Les règles de Vie dans le Bouddhisme

Toutes les religions présentent des obligations qui régissent la vie quotidienne, comme les commandements du Christianisme. Les préceptes sont parfois vus comme une morale à observer strictement sous peine d’encourir « les foudres du Ciel », qui devient alors une sorte de « super Père Fouettard ».

On peut s’interroger sur cette vision strictement punitive. En tout cas dans le Bouddhisme, les préceptes font simplement partie du remède à appliquer pour ne plus souffrir.

Bouddha a mis en évidence dans son premier enseignement « les quatre nobles vérités », comme un médecin, le mal dont on souffrait, son origine et son traitement. Les préceptes prennent place dans « l’octuple noble sentier » qui est la « vérité du chemin de la cessation de la souffrance ».

Le premier élément est « la compréhension juste », il faut comprendre vraiment ce qu’est la souffrance d’où elle vient. Cela permet plus aisément de mettre en œuvre les préceptes pour qu’elle ne prenne plus toute la place. Les préceptes principaux sont regroupés ainsi: l’action juste, la parole juste, les moyens d’existence juste.

Dans des enseignements ultérieurs ces préceptes seront détaillés en 5 parties, les 5 entrainements à la pleine conscience, suivant le terme du Maitre Zen, Thich Nat Hanh.

Le premier est « la protection de la vie », le deuxième « le bonheur véritable », le troisième « l’amour véritable », la quatrième « la parole aimante et l’écoute profonde » et la cinquième « la transformation et la guérison ». 

Il s’agit d’un entrainement car on ne peut, sauf exception, y arriver rapidement. C’est un travail qui a un enjeu notable, le Karma, car les actions d’aujourd’hui sont les graines des vies futures et de l’éveil, dans le sens où nos actions créent des empreintes psychologiques, des schémas comportementaux, trop souvent des mauvaises habitudes.

Les religieux ont dans le Bouddhisme des vœux à sauvegarder, il y en a plus de 250 pour les moines pleinement ordonnés qui organisent dans le détail la vie quotidienne, par exemple ce que l’on peut posséder, ce que l’on peut recevoir, les relations avec les autres. Il s’agit du Vinaya qui organise la vie de la communauté monastique et permet, au travers de l’observance, de diminuer l’effet des poisons dont nous avons parlé, l’avidité, l’aversion et l’ignorance.

Les laïcs ont les 5 vœux (voir plus haut les 5 préceptes) et peuvent aussi y ajouter de façon temporaire des vœux monastiques, notamment lors de retraites de quelques jours, avec des vœux de silence ou de restriction d’alimentation. Les vœux endommagés peuvent être restaurés par des pratiques comme la confession et la prière, qui, dans le Bouddhisme Tibétain, concernent souvent le Bouddha Vajrasattva.

Le premier entraînement : ne pas tuer ou encore protéger la vie

Une des formulations du Theravada est énoncée ainsi:

« je m’engage à m’exercer en m’abstenant de violenter un être vivant » ce précepte concerne tout être vivant, y compris les plus petits. Le précepte est brisé s’il y a un être vivant dont on sait qu’il est vivant qu’on a l’intention de violenter, qu’on agit avec violence et qu’il subisse cette violence.

Ce texte et son commentaire donnent les indications suivantes :

  • On doit s’abstenir de violenter, pas seulement tuer mais aussi blessés et maltraités, consciemment tous les êtres même les plus insignifiants
  • Le vœu est rompu s’il y a une conscience, une intention et une action effective. Ainsi le fait de tuer des insectes en conduisant notre voiture n’est pas une rupture de vœu.

 

Le texte de Thich Nat Hanh sur les 5 entraînements à la pleine conscience, correspond à des vœux du Mahayana et il est rédigé ainsi : « conscient de la souffrance provoquée par la destruction de la vie, je suis déterminé à cultiver ma compréhension de l’Inter-Être et ma compassion, afin d’apprendre comment protéger la vie des personnes, des animaux, des plantes et des minéraux. Je m’engage à ne pas tuer, à ne pas laisser tuer et à ne soutenir aucun acte meurtrier dans le monde, dans mes pensées ou dans ma façon de vivre. Je comprends que toute violence causée notamment par le fanatisme, la haine, la peur, a son origine dans une vue dualiste et discriminante. Je m’entraine à tout regarder avec ouverture, sans discrimination, ni attachement à aucune vue ni à aucune idéologie, pour œuvrer à transformer la violence et le dogmatisme qui demeurent en moi et dans le monde ».

 

Ce texte met l’accent sur les points suivants :

  • Il s’agit de s’entraîner à ne tuer aucun être sensible, mais aussi de protéger la vie en général.
  • Pour cela il faut développer la compréhension de l’interdépendance et la compassion envers tous les êtres.
  • La vue dualiste qui met toujours en avant mon profit par rapport à l’autre est un obstacle à identifier sur le chemin.

Comment peut-on effectuer cet entraînement :

  • Le premier pas c’est la conscience : observer nos actions et nos pensées (c’est aussi l’entraînement de la méditation) pour ne plus être en mode automatique c’est-à-dire conduit par ses habitudes.
  • Il est nécessaire de réfléchir au caractère précieux de la vie, humaine comme animale qui nous apporte tout ce dont nous avons besoin. Par exemple sans abeille plus de plantes à consommer.
  • On peut aussi être sensible à la souffrance, la sienne et celle de tous les êtres sensibles. Si j’ai mal quand je me coupe par mégarde, je peux imaginer la souffrance du cochon que l’on égorge.
  • Enfin quand je me rends compte que je romps cet engagement, j’en prends conscience pleinement, je le regrette et je forme le vœu de ne pas recommencer.

Le deuxième entraînement : ne pas voler ou encore le bonheur véritable

Une des formulations du Bouddhisme ancien (Theravada) est : « je m’engage à m’exercer à ne pas prendre ce qui n’a pas été donné » Le précepte est brisé s’il y a un objet appartenant à quelqu’un dont on sait qu’il a un propriétaire, qu’on a l’intention de voler, qu’on agit pour le voler et que l’objet est volé.

On voit donc qu’il s’agit toujours d’une pensée (remarquer l’objet) avec une intention (le convoiter) qu’il n’y a pas de hasard (on doit connaître le fait qu’il y a un propriétaire). Il y a bien un acte effectif de voler, consciemment (l’objet n’est pas simplement trouvé).

 

Le texte de Thich Nat Hanh sur cet entraînement correspond aux vœux du Mahayana et s’énonce ainsi : « conscient de la souffrance provoquée par le vol, l’oppression , l’exploitation et l’injustice sociale, je suis déterminé à pratiquer la générosité dans mes pensées, dans mes paroles et dans les actions de la vie quotidienne. Je partagerai mon temps, mon énergie et mes ressources avec ceux qui en ont besoin. Je m’engage à ne pas m’approprier ce qui ne m’appartient pas. Je comprends que le bonheur véritable est impossible sans compréhension et amour et que la recherche du bonheur dans l’argent, la renommée et le pouvoir génère beaucoup de souffrance et de désespoir. Si je suis capable de m’établir dans le moment présent je peux vivre heureux ici et maintenant dans la simplicité, reconnaissant que de nombreuses conditions du bonheur sont déjà disponibles en moi et autour de moi.  Conscient de cela je suis déterminé à choisir des moyens d’existence justes afin de réduire la souffrance et de contribuer au bien-être de toutes les espèces sur Terre, notamment en agissant pour inverser le processus du réchauffement planétaire.

 

Ce précepte met l’accent selon l’auteur sur les points principaux suivants :

  • Le bonheur véritable est de pratiquer la générosité vue comme contraire au vol et à l’exploitation de l’autre. 
  • D’une façon générale la recherche du bonheur dans l’accumulation matérielle ou encore le pouvoir est une impasse qui conduit à plus encore de souffrance.
  • Etre heureux réside dans l’établissement dans le moment présent, dans la simplicité de ce que j’ai déjà en moi et autour.

 

Comment peut-on s’entraîner à appliquer ce précepte :

  • En renonçant à l’illusion du vouloir toujours plus et examiner attentivement ce que j’ai déjà et que je ne vois même plus.
  • En pratiquant la générosité envers soi-même et envers les autres.
  • En renonçant à prendre ce qui ne m’appartient pas même si c’est une chose très modeste comme un stylo. Cela n’exclut pas de demander si l’on a besoin de quelque chose.
  • Pour renoncer à voler on peut s’inspirer par l’empathie de ce que peut ressentir la personne qui est volée
  • D’une façon générale aller vers la simplicité et le contentement de ce que l’on a, en démarrant par la « précieuse existence humaine. »

Le troisième entraînement : ne pas avoir une conduite sexuelle irresponsable ou l'amour véritable

L’une des formulations du Bouddhisme ancien (Theravada » est : « je m’engage à ne pas céder « aux chemins tordus » visant à la satisfaction des plaisirs sensuels. »

Le précepte est brisé si on a l’intention de satisfaire un désir de plaisir sensuel de façon excessive ou « erronée » qu’on entre en contact avec l’objet destiné à provoquer un plaisir sensuel, qu’on agisse de façon à se satisfaire et qu’on en éprouve du plaisir.

Le précepte n’est pas vraiment détaillé mais il s’agit de s’entraîner à ne pas satisfaire le plaisir sensuel par des voies perverses (qui nie la qualité et la liberté d’être humain) ou encore de façon excessive (addiction à la sexualité).

 

Ce troisième entraînement formulé par le Maître Zen vietnamien Thich Nat Hanh est le suivant : « Conscient de la souffrance provoquée par une conduite sexuelle irresponsable, je suis déterminé à développer mon sens de la responsabilité et à apprendre à protéger l’intégrité et la sécurité de chaque individu, des couples des familles et de la société. Je m’engage à ne pas avoir de relation sexuelle sans amour véritable ni engagement profond, à long terme et connu de mes proches. Je ferai tout mon possible pour protéger les enfants des abus sexuels et pour empêcher les couples et les familles de se désunir par suite de comportements sexuels irresponsables.  Je m’engage à apprendre les moyens appropriés pour gérer mon énergie sexuelle. Je m’engage à développer la bonté aimante, la compassion, la joie et la non-discrimination en moi, pour mon propre bonheur et le bonheur d’autrui. »

 

Ce précepte met l’accent sur les points suivants :

  • L’inconduite sexuelle crée de la souffrance car l’autre ne supporte pas d’être trompé et même quitté. 
  • On peut vivre une sexualité sans amour et sans engagement qui utilise l’autre et cela provoque aussi de la souffrance.
  • Les abus sexuels d’enfants comme d’adultes sont à proscrire et il faut protéger les êtres pour leur éviter cette souffrance.
  • Je dois apprendre par les moyens du corps-esprit à gérer correctement mon énergie sexuelle.
  • L’amour véritable est l’un des principaux moyens pour cela. La non-discrimination entre soi et autrui permet d’atteindre à la fois le bonheur de soi et celui d’autrui.

 

Comment s’entraîner à ce précepte :

  • Mieux connaître son énergie sexuelle et la dompter grâce à la conscience et à la méditation.
  • Autant que possible conjoindre amour et sexualité.
  • Éduquer les enfants et les personnes vulnérables pour qu’elles puissent se défendre des prédateurs sexuels, leur venir en aide.
  • Développer l’amour véritable par la méditation de l’amour bienveillance, l’échange de soi et d’autrui pour diminuer la discrimination entre soi et autrui et l’égocentrisme.

Le quatrième entraînement : ne pas médire ou parole aimante et écoute profonde

Dans le Theravada le précepte est énoncé ainsi : « je m’engage à m’exercer à ne pas médire ». C’est-à-dire à ne pas avoir une parole inadéquate comme mentir, calomnier, parler de choses futiles et insensées. Le précepte est brisé s’il y a intention de médire, qu’on est conscient qu’il s’agit d’une médisance et qu’autrui en subit les conséquences, croit le mensonge, souffre des calomnies, est distrait par les paroles futiles ;

 

Pour le Mahayana (formulation du Zen Vietnamien) : « conscient de la souffrance provoquée par des paroles irréfléchies et par l’incapacité d’écouter autrui, je suis déterminé à apprendre à parler à tous avec amour et à développer une écoute profonde qui soulage la souffrance et apporte paix et réconciliation entre moi-même et autrui. Sachant que la parole peut être source de bonheur comme de souffrance, je m’engage à parler avec sincérité, en employant des mots qui inspirent à chacun la confiance en soi, nourrissent la joie et l’espoir, et oeuvrent à l’harmonie et la compréhension mutuelle. Je suis déterminé à ne rien dire quand je suis en colère. Je m’entraine à respirer et à marcher en pleine conscience afin de reconnaître cette colère et de regarder profondément ses racines. Je m’entraine à dire la vérité et à écouter profondément de façon à réduire la souffrance chez les autres et moi-même. Je suis déterminé à ne répandre aucune information dont je ne suis pas certain et à ne rien dire qui puisse entraîner division, discorde ou rupture au sein d’une famille ou d’une communauté. »

 

L’entraînement met l’accent sur les points suivants :

  • Parler aux autres avec amour et développer une écoute profonde pour soulager la souffrance et aider à la paix.
  • Parler avec sincérité pour inspirer la confiance en soi, nourrir la joie et l’espoir.
  • Ne rien dire quand on est en colère
  • Respirer et marcher en pleine conscience pour reconnaître cette colère et regarder ses racines.
  • Dire la vérité et ne répandre aucune information dont je sois pas sûr
  • Ne rien dire qui entraîne division, rupture ou discorde dans les familles et communautés.

 

Comment s’entraîner dans ces directions :

  • Mieux observer comment on parle pour prendre conscience vraiment de ce qu’on dit et comment on le dit
  • S’interroger sur l’utilité de ses paroles et sur leur impact si elles sont critiques
  • Respirer quand on est en colère, observer comment on a envie d’en rajouter pour avoir le dernier mot
  • Se tenir le plus possible à la vérité et à l’authenticité
  • Observer chez les autres et chez soi les paroles qui divisent et créent des conflits

Le cinquième entraînement : ne pas consommer d'intoxicant ou la transforamtion guérison

Dans le Bouddhisme ancien (Théravada), le précepte est énoncé ainsi : « je m’engage à ne pas consommer d’alcool ou tout autre substance qui conduit à la non maîtrise de soi ».

Le précepte est brisé si la substance est un intoxicant, s’il y a désir de la consommer, si on la consomme effectivement.

Dans le Grand Véhicule, voici la formulation de Thich Nhat Hanh : « conscient de la souffrance provoquée par une consommation irréfléchie, je suis déterminé à apprendre à nourrir sainement et à transformer mon corps et mon esprit en entretenant une bonne santé physique et mentale par ma pratique de la pleine conscience quand je mange, bois ou consomme. Afin de ne pas m’intoxiquer, je m’entraine à observer profondément ma consommation des 4 sortes de nourriture : les aliments comestibles, les impressions sensorielles, la volition et la conscience. Je m’engage à ne pas faire usage de l’alcool, ni aucune forme de drogue et à ne consommer aucun produit contenant des toxiques comme certains sites internet, magazines ou encore films, jeux, conversations. Je m’entrainais régulièrement à revenir au moment présent pour rester en contact avec les éléments nourrissants et porteurs de guérison qui sont en moi et autour de moi, et à ne pas me laisser emporter par les regrets et les peines du passé ou par les peurs et les soucis du futur… »

Les éléments suivants sont soulignés :

  • Importance de se nourrir sainement pour transformer son corps et son esprit
  • Utiliser pour cela de la pleine conscience « quand je mange, je mange ».
  • Observer les 4 nourritures : les aliments, les sensations, la volition (l’intention) et la conscience.
  • Ne pas faire usage d’alcool, de drogues, ni d’autres intoxicants au sens large comme certains sites, jeux, films, lectures et même conversations. Toutes les addictions comme le travail, le sexe, le pouvoir pourraient trouver leur place ici.
  • Se tourner vers les éléments nourrissants porteurs de guérison en moi et autour de moi : un fruit fondant, le goût du partage….
  • Demeurer dans le présent sans les regrets du passé et les peurs du futur.

La méditation permet d’observer comment nous fonctionnons notamment par rapport à la nourriture mais il faut essayer d’observer en action véritablement quand nous mangeons, si nous nous remplissons ou si nous pouvons déguster chaque bouchée. De même comment nous reconnaissons ou catégorisons instantanément les nourritures, j’aime j’aime pas, c’est de la pêche, du saumon au lieu d’être simplement présent à cet élément à ce moment.

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