La Méditation de Pleine Conscience

La méditation, la médecine et la psychologie

Dans les années 80 à l’Université de médecine du Massachusetts, une « clinique de réduction du stress » a vu le jour, à l’initiative de Jon Kabat Zinn, avec la définition d’un programme de 8 semaines au bénéfice des patients hospitalisés dans divers services. Il a été nommé MBSR, « mindfulness-based stress reduction » que l’on peut traduire par la « réduction du stress par la pleine conscience ».

Il est intéressant de noter qu’à cette époque de spécialisation de la médecine et de manque de lien corps-esprit, il s’est trouvé des médecins, des psychologues et des chercheurs (JKZ est titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire) pour envisager une approche holistique du patient.

Les premiers inscrits étaient des « cas désespérés », ne répondant pas ou peu aux traitements de pathologies somatiques comme les problèmes cardiaques, diabétologiques, rénaux…Ce n’est que beaucoup plus tard, dans les années 2000 que se sont développées des applications à visée psychothérapiques du MBSR pour des patients avec des souffrances psychologiques.

La plus connue d’entre elles est le MBCT « mindfulness based cognitive therapy », la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, du Professeur Zindel Segal.

Il s’agit du programme de 8 semaines MBSR, enrichi d’éléments de thérapie cognitive qui s’adresse à des patients diagnostiqués comme dépressifs. Il est intéressant de noter que l’évaluation du MBCT montre une efficacité maximale pour des patients ayant eu deux rechutes dépressives avec hospitalisation.

 Sa supériorité est même établie par rapport aux antidépresseurs, ce qui n’est pas non plus étonnant, vu que l’efficacité de ces produits diminue de façon notable dans le temps après une année. L’utilisation avec d’autres pathologies, anxieuse, addictives notamment, n’est pas encore validée scientifiquement.

L’ossature du programme MBCT tient à plusieurs composants

  • C’est une approche de groupe où le soutien est important tant de la part des membres que des animateurs (appelés instructeurs)
  • Elle est participative dans le temps des séances et en dehors puisqu’il y a des exercices guidés journaliers dans les inter séances.
  • L’éducation thérapeutique joue un rôle important mais il ne s’agit pas uniquement d’informations données mais surtout d’expérimentation, dans une visée préventive (éviter les rechutes puisque le patient doit être stabilisé).
  • L’utilisation de la thérapie cognitive intégrée à la méditation vise à une transformation de la façon d’envisager les choses et notamment les symptômes dépressifs. Il n’est pas question de remplacer le négatif par du positif mais de pouvoir demeurer stable quelque-soit l’expérience qui advient, agréable comme désagréable.
  • La bienveillance et l’auto compassion jouent un rôle décisif

Les huit séances (de deux heures environ) sont les suivantes :

  1. La conscience et le pilotage automatique (le mode faire et le mode être)
  2. Vivre dans sa tête (le vagabondage, le modèle situation-pensée-émotion)
  3. Rassembler l’esprit dispersé
  4. Reconnaitre l’aversion (faire avec le négatif : s’approprier le territoire de la maladie)

Laisser être et lâcher prise (cultiver une relation différente avec l’expérience)

  1. Les pensées ne sont pas des faits (réduire l’identification avec ce que l’on pense)
  2. Comment puis-je au mieux prendre soin de moi
  3. Exercer et élargir les compétences nouvellement acquises

Il y a très souvent une journée de pratique entre les séances 6 et 7 (renforcement de la pratique et intégration du quotidien sur une journée).

Méditation et neurosciences

C’est un champ de recherche qui est maintenant important et l’on commence à avoir une idée de ce qui se passe dans le cerveau quand on médite. On a cherché quelle pouvait être l’efficacité de la méditation suivant les pathologies, compte tenu de nouvelles disciplines transversales comme la psycho-neuro-endocrino-immunologie qui visent à expliquer le fonctionnement systémique du corps esprit.

Notons la distinction faite par les chercheurs en neurosciences : entre la méditation « unipointée » (avec un support comme l’attention au souffle), la méditation ouverte (sans support autre que la présence à l’instant), de l’amour bienveillance (dirigée vers soi et les autres).

On peut retenir que les recherches valident l’efficacité de la méditation sur la réduction du stress et de façon générale améliore nombre de pathologies somatiques en rapport avec le stress. Il existe aussi un courant de recherche important sur la relation entre méditation et vieillissement, via l’effet sur les chromosomes (plus précisément les télomères).

 Une étude européenne pilotée par le CHU de Caen est en cours sur ce thème et elle fait suite à une étude Californienne qui a montré un allongement significatif de ces télomères qui sont en rapport à longévité, ceci pour des méditants réguliers pendant au moins 3 mois.

Les critiques faites à la méditation

La méditation de pleine conscience est très à la mode et prend place dans un courant consumériste où « tout s’achète et tout se vend », y compris le bonheur. On trouve donc des tas de stages promettant implicitement ou parfois explicitement un mieux-être, voir une amélioration de ses symptômes, à des tarifs parfois très élevés pour un travail effectué par des instructeurs souvent peu entrainés eux-mêmes à la méditation, sachant qu’un maitre de méditation Bouddhiste commence son entrainement dans l’enfance, passant plusieurs heures quotidiennement à partir de l’adolescence et effectuant des retraites longues (3 ans traditionnellement). 

On trouve ici un contexte occidental où l’individu est de plus en plus considéré comme responsable de lui-même et donc de son bonheur et malheur. Cette exigence de performance déborde de l’entreprise pour se globaliser, chacun devant alors mettre en œuvre les prescriptions d’experts, en alimentation, en mode de vie et en méditation. Les rayons consacrés au développement personnel, à la méditation prennent une place maintenant très importante avec la multiplication de parutions sur ces sujets, prenant souvent pour alibi des recherches faisant le lien entre pratique de méditation et action sur l’obésité, le sommeil, la douleur.

Or si la méditation peut avoir des effets bénéfiques sur les personnes c’est précisément car celles-ci ne les recherchent pas spécialement, accueillant tout ce qui se présente sans jugement, sans préoccupation d’éliminer ceci au profit de cela. Pourrait-on dire comme la phrase attribuée à Lacan (sur la cure psychanalytique) qu’elle guérit de surcroit ?

Les risques de l’absence de l’aspect éthique ont été souligné notamment par Matthieu Ricard, disant qu’un serial killer entrainé à la pleine conscience serait alors bien plus efficace (dans son job). On sait que les tireurs d’élites du corps des Marines américains bénéficient d’un tel entrainement.

Les concepteurs de la méditation de pleine conscience, citent abondamment les phrases du Bouddha, mais il y a bien une différence entre ces deux types de méditation. Elle se situe dans la visée même, l’objet du Bouddhisme étant la libération de la souffrance des existences par la reconnaissance de la nature véritable des phénomènes. 

Le Bouddhisme et c’est là son originalité par rapport à la plupart des religions, constate la nature vide d’essence des phénomènes (y compris les personnes). Dès lors si l’ego disparait, la souffrance disparait aussi, ainsi que la dualité moi-l’autre ce qui ouvre à la compassion universelle. Ce projet est différent de celui de la Mindfulness pour laquelle l’ego doit se renforcer et se « réparer », notamment par l’auto compassion. 

De plus dans le Bouddhisme la méditation s’inscrit dans un système qui comporte des règles de conduite éthique, l’étude et la mise en pratique de la « doctrine » Bouddhiste, sous la conduite d’enseignants ou de maitres qualifiés et issus d’une transmission ancienne.

On constate un succès grandissant de la Mindfulness, tandis que les centres Bouddhiste occidentaux rencontrent pour beaucoup les mêmes difficultés de désaffection que les autres religions «.

Certains maitres de méditation mettent au point des méthodes laïcisées pour sauvegarder une vision authentique de leur transmission, en l’allégeant des composants culturels qui peuvent agir comme un repoussoir pour les occidentaux. Il existe donc un certain rapprochement, dilution ou synthèse chacun peut trouver des arguments pour ou contre.

Formations

Diplôme universitaire médecine, méditation et neuroscience (DUMMN), Université Louis Pasteur, faculté de médecine de Strasbourg (deux fois une semaine en résidentiel au Mont Saint Odile), moitié expérientiel moitié cours (avec des intervenants de grande qualité), renommé (400 candidats pour 60 places), génial mais coûteux.

Diplôme universitaire de psychothérapie par la pleine conscience, Université de Lorraine, Centre Pierre Janet de Metz, centrepierrejanet.univ-lorraine.fr (sur un ou deux ans par deux jours mensuels), récent, non reconnu par le mouvement Mindfulness « officiel (ADM) ».

Site de l’association pour le développement de la mindfulness (ADM) www.association-mindfulness.org pour calendrier formation (MBSR et MBCT en France), article, annuaire et vidéo, association officiellement reconnue par le centre de référence américain MBSR (Université Brown de Boston)

Site de l’association de MBCT francophone mbct-france.fr, calendrier de formation (en Suisse et en France), annuaire initié par Zindel Segal l’un des fondateurs de ce programme

Formation à l’animation d’ateliers de philosophie et pratique de l’attention (plutôt que méditation pour ne pas effrayer le ministère de l’éducation nationale) dans le cadre scolaire, fondation Sève, sève.org (Frédéric Lenoir), voir le site, formation qui permet sans problème d’aller dans les établissement scolaire car Sève a un agrément du ministère.

Formation praticien Mindful up : instructeur de groupes de Mindfulness pour enfants et adolescents par l’organisme Cogito’z, cogitez.com (Jeanne Siaud Facchin psychologue et ses collègues), à mon avis la seule formation véritablement complète pour ce public, assez coûteuse.

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